Délais de paiement : des solutions juridiques pour les entreprises

18 novembre 2024

Dans un contexte de récession, le secteur de l’immobilier traverse une crise profonde, qui met en péril de nombreuses entreprises. Les délais de paiement constituent dès lors un enjeu économique et juridique majeur pour ces dernières : promoteurs, entreprises de construction, sous-traitants… C’est l’ensemble de la chaine de production de valeur qui peut est concernée à chaque incident.  Des dispositifs juridiques : conventionnels et judiciaires permettent aujourd’hui aux entreprises d’agir face aux retards de paiement pour préserver leur trésorerie (nerf de la guerre). L’avocat, partenaire stratégique, joue un rôle central dans la mise en œuvre de ces solutions et dans la défense des intérêts de l’entreprise. Le respect des délais de paiement est un gage de développement durable.

Constat : augmentation des entreprises touchées par des délais de paiement

Malgré la baisse des taux d’intérêt, la profonde récession du secteur du bâtiment et de l’immobilier est toujours d’actualité. Selon la FFB, en 2024, sur les sept premiers mois de l’année, les mises en chantier ont chuté encore de 13,4%.

Dans ce climat déjà peu propice aux affaires, Altares pointe une hausse des retards de paiement. Au premier semestre 2024, 85% des entreprises ont été exposées à ce problème. Selon Coface, 82 % des entreprises ont subi des retards de paiement en 2023, avec des délais moyens atteignant 48 jours contre les 30 ou 60 jours légaux.

Cette problématique fragilise les entreprises, en particulier les petites structures, qui ont moins de marge de trésorerie pour absorber les retards. En 2024, la France a enregistré 66 000 défaillances d’entreprises, dont environ 25 % sont liées à des retards de paiement.

Dans son rapport annuel 2023, l’Observatoire des délais de paiement a chiffré à 15 milliards d’euros le montant de trésorerie qui a manqué aux PME en 2022 du fait de ces factures non payées dans les temps.

Dans le secteur de la construction et de l’immobilier, les délais de paiement sont particulièrement problématiques en raison de la complexité des projets et des chaînes de sous-traitance, augmentant le risque d’effondrement financier pour les PME et TPE.

Dispositifs juridiques existants : un cadre juridique souvent méconnu ou peu appliqué pour protéger les entreprises

Dispositions du Code de commerce (article L. 441-10 du Code de commerce) :

  • Délais de paiement légaux :

Sauf accord entre les parties, le délai de paiement est fixé à 30 jours après réception des marchandises ou services, pouvant être étendu à 60 jours maximum par accord entre les parties. Ces règles sont renforcées par des dispositifs de pénalités en cas de retard.

  • Pénalités de retard et frais de recouvrement :

Sauf dispositions contraires, les pénalités de retard ne peuvent en tout état de cause être inférieures à 3 fois le taux d’intérêt légal, un taux égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points.

Une indemnité forfaitaire de 40 euros est appliquée pour les frais de recouvrement. Lorsque les frais de recouvrement sont supérieurs à cette indemnité forfaitaire, les créanciers peuvent demander une indemnisation complémentaire sur justification.

Retards de paiement : des solutions concrètes pour les acteurs de l’immobilier

Les entreprises disposent ainsi de plusieurs leviers juridiques et pratiques pour se prémunir contre les retards de paiement et améliorer leur trésorerie :

1 – Intégrer des mentions relatives aux modalités de paiement dans les contrats et les factures 

• Rédiger des clauses relatives au paiement : modalités de paiement et échéancier clair. Dans le domaine immobilier, cela concerne les contrats VEFA, CPI, les CCAP, les contrats de contractant général, les contrats globaux, de sous-traitance, de prestations de services…

• Effectuer une facturation en temps réel, avec des échéances précises et non contestables

2 – Intégrer les pénalités de retard dans les contrats

Inclure des clauses de pénalité de retard et l’indemnité forfaitaire dans les contrats et factures permet de garantir que le client a été informé en amont. La jurisprudence valide ces clauses, à condition qu’elles soient claires et proportionnées.

3 – Réagir immédiatement en cas de retard de façon amiable

La première démarche à engager en cas d’impayé est amiable, afin de connaitre les raisons du retard, négocier et réajuster ensemble. Si celle-ci n’aboutit pas, la loi offre des solutions efficaces pour lutter contre ces retards, qui mettent en péril nombre d’entreprises du bâtiment.

4 – Engager une action en référé en cas de retard significatif

C’est une procédure simple et rapide pour obtenir le règlement des créances non contestables. Ce recours est particulièrement efficace et permet aux entreprises de ne pas supporter seules les impacts des retards de paiement. Le référé est relativement rapide sous réserve des actions dilatoires du cocontractant.

Jurisprudence favorable :

La jurisprudence reconnaît le caractère abusif des retards de paiement manifestement injustifiés. En cas de créances non contestables, les tribunaux condamnent au paiement + pénalités de retards + frais engagés, les débiteurs et permettent un recouvrement efficace.

La Cour de cassation a confirmé la possibilité pour les créanciers de recourir au référé pour des créances certaines et exigibles (Cass. Com., 13 février 2013, n°11-27.209).

5 – Recourir aux outils de financement

  • Affacturage : cette solution permet aux entreprises de céder leurs factures à un organisme financier pour obtenir immédiatement les fonds, sans attendre l’échéance des délais de paiement.
  • Mobilisation des créances : les entreprises peuvent également utiliser leurs créances comme garantie auprès des banques pour obtenir des avances de trésorerie.

Sanctions administratives et rôle de la DGCCRF

  • L’article 123 de la loi n°2016-1691 dite Loi Sapin II a renforcé les sanctions en matière de retard de paiement. En cas de manquements répétés, des amendes pouvant atteindre 2 millions d’euros peuvent être infligées aux entreprises.
  • L’article 3 de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 dite loi Pacte permet la publication de sanctions (« name and shame »), qui ajoute un volet dissuasif pour les entreprises récalcitrantes.
  • La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est l’administration chargée de contrôler les pratiques de paiement dans les entreprises.

Transparence obligatoire – Loi Pacte

  • La loi Pacte de 2019 renforce la transparence dans les délais de paiement pour les grandes entreprises. Ces dernières doivent déclarer leurs délais de paiement dans leurs rapports de gestion, offrant aux fournisseurs une meilleure visibilité et permettant d’identifier les mauvais payeurs.

Rôle de conseil de l’avocat : un accompagnement stratégique dans la gestion des délais de paiement

L’avocat joue un rôle essentiel dans la protection des droits de l’entreprise en matière de délais de paiement. Son expertise permet à l’entreprise de :

  1. Sécuriser les contrats et prévenir les retards : l’avocat accompagne l’entreprise dès la rédaction des contrats commerciaux, en intégrant des clauses de pénalités de retard, d’intérêts et de frais de recouvrement. Il peut également adapter les contrats en fonction des spécificités de chaque secteur pour maximiser la sécurité juridique.
  1. Engager des actions judiciaires et extra-judiciaires : en cas de créances impayées, l’avocat peut initier une procédure en référé pour obtenir un règlement rapide. Il saura sélectionner le type d’action le plus adapté, qu’il s’agisse d’une procédure en référé ou d’un recouvrement amiable, pour garantir un paiement dans les meilleurs délais.
  1. Conseiller sur les recours administratifs et les sanctions : dans le cadre de contrôles de la DGCCRF, l’avocat conseille l’entreprise sur les recours possibles et les moyens d’éviter d’éventuelles sanctions. Il peut également assister l’entreprise lors des enquêtes de la DGCCRF pour garantir la conformité de ses pratiques aux obligations légales.
  1. Défendre les intérêts de l’entreprise en cas de litige : en cas de contestation de la part du client, l’avocat représente l’entreprise pour défendre le bien-fondé de ses demandes. Il veille à obtenir les intérêts et les pénalités dues pour les retards de paiement en justifiant la nature certaine et exigible des créances.

En conclusion

Des dispositifs juridiques existent pour régler les retards de paiement. Ils sont conventionnels et judiciaires.

Souvent par manque de temps ou par soucis de la relation commerciale, ces dispositifs ne sont pas mis en œuvre.

L’avocat, en tant que partenaire stratégique et tiers à la relation, joue ainsi un rôle crucial dans la prévention, la gestion et le recouvrement des créances, en sécurisant les relations contractuelles des acteurs de l’immobilier et en maximisant la protection juridique de l’entreprise.

Ces actions permettent non seulement de préserver la trésorerie de l’entreprise et la santé de l’entreprise mais aussi de contribuer à une culture des affaires plus respectueuse et équitable, dans le monde des affaires de l’immobilier pour ce qui concerne notre cabinet.