Le Décret Tertiaire impose d’améliorer la performance énergétique des bâtiments afin de réduire leur consommation énergétique de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 puis de 60% d’ici 2050 par rapport à une année de référence comprise et choisie entre 2010 et 2019.
Depuis septembre 2022, les maîtres d’ouvrage, bailleurs comme locataires, doivent déclarer annuellement la performance énergétique atteinte par leur patrimoine via la plateforme OPERAT.
Aussi appelé « dispositif Eco-Energie Tertiaire » (DEET), le Décret tertiaire est une obligation réglementaire visant à engager les acteurs du tertiaire vers la sobriété énergétique. Il est entré en vigueur en octobre 2019 et vient préciser les conditions d’application de l’article 175 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi Elan.
Il s’agit d’une obligation de résultats et non pas d’une simple obligation de moyens.
Ce que le décret tertiaire établit :
- une obligation déclarative annuelle via la plateforme de recueil des consommations énergétiques appelée OPERAT, éditée par l’ADEME, et dont la première échéance de remontée des données a été fixée au 30 septembre 2022, avec une tolérance accordée par le gouvernement dans un communiqué de presse en date du 22 septembre jusqu’au 31 décembre 2022 compte-tenu du contexte économique actuel (communiqué de presse du jeudi 22 septembre 2022),
- une obligation de rénovation énergétique afin d’atteindre les 60% d’économies en 2050.
Le champ d’application :
Le Décret tertiaire concerne les propriétaires et locataires d’établissements abritant des activités tertiaires et vise les bâtiments publics comme les bâtiments privés.
Propriétaires et locataires doivent fixer ensemble (contractuellement) les actions destinées à respecter l’obligation de performance énergétique et décider de la mise en œuvre des moyens correspondants.
Sont assujettis les bâtiments à usage tertiaire d’une surface supérieure à 1.000 m2 comprenant :
- Le « tertiaire marchand » : commerce, transport, activités financières, services rendus aux entreprises, services rendus aux particuliers, hébergement-restauration, immobilier, information-communication,
- Le « tertiaire principalement non-marchand » : bâtiments publics, bureaux, enseignement, santé humaine, action sociale.
Les bâtiments concernés :
- Tous les bâtiments publics ou privés quelle que soit l’année de construction (bâtiments neufs ou existants) dont la surface est supérieure ou égale à 1.000 m²
- Toutes les parties d’un bâtiment à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires cumulant des surfaces supérieures ou égales à 1.000 m²
- Tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière (EFA) ou sur un même site dès lors que ces bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface cumulée supérieure ou égale à 1 000 m²
Exceptions :
- les constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire,
- les bâtiments ou parties de bâtiments destinés au culte,
- les bâtiments ou parties de bâtiments destinés à la défense, sécurité civile ou sûreté intérieure du territoire.
Objectifs et méthode
Le décret tertiaire définit des objectifs de réduction des consommations d’énergie aux propriétaires et exploitants de bâtiments tertiaires, avec l’ambition de réaliser 60% d’économie d’énergie sur le parc tertiaire d’ici 2050. Il s’agit d’une réglementation phare pour la mise en œuvre de la transition énergétique et de la transition écologique en France.
Deux modalités alternatives pour atteindre les objectifs sont proposées par le décret :
- La méthode dite en valeur « relative » consiste à réduire sa consommation d’énergie finale (appelée Crelat) à hauteur de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 et 60% d’ici 2050, par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010. Cette consommation énergétique de référence (appelée Cref) est choisie par l’assujetti.
- La méthode dite en valeur « absolue » consiste à atteindre un niveau de performance minimum en kWh/m²/an, défini pour chaque type de bâtiment et catégorie d’activité associée. Les valeurs à atteindre (appelées Cabs) sont fixées par arrêté avant le début de chaque décennie.
Les valeurs absolues à atteindre en 2030 ont fait l’objet de plusieurs arrêtés :
- L’arrêté dit « Valeur absolue I » publié le 17 janvier 2021 concerne les valeurs des activités de « Bureaux », « Enseignement » et « Logistique ».
- L’arrêté dit « Valeur absolue II » publié le 24 avril 2022 précise les valeurs pour une dizaine de sous-catégories d’activité, dont celles associées aux activités « Accueil petit-enfance » et « Enseignement supérieur »
On attend la publication de l’arrêté « valeur absolue III » au 4ème trimestre 2022 qui devrait préciser de nouveaux objectifs exprimés en valeur absolue pour le reste des catégories de bâtiments concernés (commerces, hôtellerie-restauration, salles de culture et de spectacle, établissements de santé, centres de données, etc.) et déterminer les valeurs absolues spécifiques aux départements d’outre-mer.
A noter :
- Une modulation des objectifs est possible sous conditions. Cette modulation des objectifs peut se justifier pour des raisons techniques, des raisons architecturales ou patrimoniales ou en cas de disproportion manifeste entre le coût des actions et le bénéfice attendu en termes de consommation d’énergie. L’échéance de dépôt des dossiers techniques pour justifier de ces modulations est prévue pour l’année 2027
- En cas d’atteinte de l’un des deux objectifs (en valeur relative ou absolue), « la part de consommations énergétiques économisées supplémentaires en deçà de l’objectif le moins contraignant, peut être réaffectée à une ou plusieurs entités du groupe de structures qui n’ont respecté aucun des deux objectifs » (JORF n°0096 du 24 avril 2022).
Ce dispositif permet ainsi aux bonnes performances de certaines unités foncières – entités fonctionnelles assujetties (EFA) – de « compenser » les éventuelles moins bonnes performances d’autres entités, à l’échelle d’un parc immobilier.
La notion d’EFA a été définie comme : «(…) une entité correspondant à un établissement au sens de la définition de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à savoir : une unité de production ou d’activité géographiquement individualisée, exploitée par une entité juridique. La notion d’“ unité géographiquement individualisée ” se rattache à une localisation géographique précise dans laquelle les activités sont hébergées. Une entité fonctionnelle peut être constituée soit par un local d’activité, soit par un ensemble de locaux d’activités connexes, contenu dans un bâtiment, une partie de bâtiment ou un ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site. L’établissement produit des biens ou des services : ce peut-être un site industriel, un commerce, un hôtel, un restaurant, un établissement d’enseignement, un établissement hospitalier, un établissement culturel, un équipement sportif, etc ».
Une attestation annuelle et une notation :
Le décret tertiaire s’accompagne d’une obligation déclarative annuelle des consommations sur une plateforme de l’ADEME : l’Observatoire de la Performance Energétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire (OPERAT).
Cette plateforme recense les données de consommation des assujettis qui reçoivent en retour une attestation annuelle des consommations ajustées en fonction des variations climatiques.
Cette attestation est complétée d’une notation appelée Eco Energie Tertiaire qui vise à valoriser la progression des acteurs vis-à-vis des valeurs absolues fixées par le décret tertiaire, pour chaque catégorie d’activité. Un niveau très satisfaisant des consommations énergétiques est ainsi matérialisé par trois feuilles vertes.
L’échéance de la première déclaration sur OPERAT a été fixée au 30 septembre 2022, après avoir connu un report d’un an.
Les trois grandes étapes de la déclaration des consommations sur OPERAT
- La création du compte en ligne, de la structure juridique assujettie et des établissements associés
- La définition des EFA (entités fonctionnelles assujetties)
- La déclaration des consommations et des surfaces de chaque EFA
Pour chaque bâtiment soumis à l’obligation, les propriétaires ou les preneurs à bail « selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations » devront ainsi déclarer sur la plateforme :
- Activités tertiaires exercées
- Surface des bâtiments
- Consommations annuelles d’énergie par type d’énergie
- Année de référence avec les consommations associées et les justificatifs correspondants
- Indicateurs d’intensité d’usage relatifs aux activités hébergées
- Modulations prévues
- Comptabilisation des consommations d’énergie finale liées à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.
Il est à noter qu’il est possible de déléguer « la transmission de leurs consommations d’énergie à un prestataire ou, sous réserve de leur capacité technique, aux gestionnaires de réseau de distribution d’énergie ».
Sanctions :
En cas de non-transmission des données de consommation sur la plateforme OPERAT ou en cas de non-atteinte des objectifs, un dispositif de sanction a été prévu par le législateur. Il repose sur un principe de Name & Shame s’appliquant à l’assujetti après mise en demeure (i.e. publication, sur un site internet des services de l’Etat, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet) et peut être complété par une amende administrative de 1.500 € pour les personnes physiques et 7500 € pour les personnes morales.
Actions :
Quatre leviers d’action sont identifiés par le dispositif Eco-énergie tertiaire pour parvenir aux objectifs fixés, en réponse aux enjeux d’efficacité énergétique :
- L’adaptation des locaux à un usage économe en énergie et la sensibilisation des occupants pour les inciter à adopter un comportement de sobriété
- L’optimisation de l’exploitation des équipements techniques
- L’installation d’équipements plus performants (chauffage, eau chaude, éclairage, refroidissement, procédés, …). A noter que le décret BACS vient compléter le décret tertiaire en rendant nécessaire l’installation de systèmes de pilotage des équipements techniques à partir d’une certaine puissance nominale des bâtiments.
- Les travaux sur l’enveloppe du bâti (isolation, menuiserie, protection solaire, …) en vue d’améliorer la performance énergétique du bâtiment.
La réalisation d’audits énergétiques ou la mise en place de plan pluriannuel d’investissement peuvent s’avérer utiles pour orienter correctement les actions d’amélioration à mettre en œuvre. A ce titre, les contrats de performance énergétique (CPE) peuvent être un bon outil dans le sens où il oblige les prestataires à s’engager sur des résultats d’économie d’énergie.
Le Cabinet KT AVOCATS vous accompagne notamment pour :
- Rédaction des baux : clause spécifique à prévoir
- Rédaction des actes de vente : clause spécifique à prévoir
- Rédaction de contrat de performance énergétique
A retenir :
- Sont assujettis les bâtiments à usage tertiaire de + de 1.000 m2
- Déclaration annuelle effectuée au niveau de l’entité fonctionnelle (EFA)
- 1ère déclaration le 30 septembre 2022 / tolérance accordée jusqu’au 21 décembre 2022
- Objectif de réduction de consommation de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 puis de 60% d’ici 2050 par rapport à une année de référence comprise et choisie entre 2010 et 2019.
- Obligation de rénovation énergétique – dispositif économie – énergie – tertiaire
- Attestation OPERAT et notation donneront désormais la photographie énergétique du bâtiment.
Références juridiques :
- Art. 175 de la loi n°2018 – 1021 du 23 novembre 2018 dite Loi ELAN
- Décret n°2019 – 771 du 23 juillet 2019 – entré en vigueur au 1er octobre 2019.
Arrêté du 10 avril 2020 dit « arrêté méthode »
- Arrêté modificatif du 24 novembre 2020 dit « Valeur absolue I » publié le 17 janvier 2021
- Arrêté du 13 avril 2022 dit « Valeur absolue II » publié le 24 avril 2022